[PORTRAIT] Le rappeur sénégalo-français Booba produit le rappeur SDM, bien que fâché avec beaucoup de ses poulains

Tract- Dans une salle de concerts de Courbevoie, dans les Hauts-de- Seine, ce 2 mars, SDM s’applique. Dans quelques jours, le rappeur part en tournée avec un pianiste et un DJ et, contrairement à certains de ses collègues, lui ne néglige pas les répétitions. Le géant de plus de 1,90 mètre veut mettre toutes les chances de son côté. Il a notamment répété avec un coach scénique, Vicelow, ancien membre du collectif Saïan Supa Crew, qui, au début des années 2000, avait remporté un beau succès avec les albums KLR et X Raisons. La plupart de ses ­concerts sont complets, comme son Olympia, le 8 avril. Celui qui vient d’être certifié disque de platine – plus de cent mille exemplaires vendus – avec son deuxième album, Liens du 100, publié en décembre 2022, ne se repose pas sur ses lauriers.

Il sait qu’il faut qu’il «aille chercher [s]on public » pour qu’au moins ses spectateurs lâchent l’écran de leur téléphone pendant ses shows, où lui refuse de jouer en playback. «Aujourd’hui, constate- t-il, dès que tu mets des billets de concert de rap en vente, ils partent comme des petits pains, mais je ne suis pas sûr que tout le monde comprenne l’esprit d’un live. Une fois que les gens sont dans la salle, au lieu de profiter, ils font des vidéos pour montrer à leurs amis. S’ils pouvaient ranger leurs portables et vivre le moment, ce serait mieux. », déclare SDM à la journaliste Stéphanie Binet du quotidien français Le Monde, dans son édition ce lundi 20 mars 2023.

Pour faire danser, le nouveau protégé de Booba a les morceaux qu’il faut : l’egotrip Ragnar, les très «rap de rue» Si tu savais ou Bolide allemand, ou le mélodique Redescends, teinté de rumba ­congolaise. Cette musique est d’ailleurs le premier amour d’un artiste qui s’est fait connaître grâce à ses free-styles dans sa voiture pendant les confinements.

Leonard Beni Mosabu a grandi à Clamart (Hauts-de-Seine), en ban- lieue ouest de Paris, petit dernier d’une fratrie de trois enfants. Sa mère, aide-soignante, l’envoie tous les étés à Kinshasa auprès de sa grand-mère maternelle, tient à ce qu’il parle les langues locales, le lingala et le swahili, et apprenne leur histoire, de Thomas Sankara à Patrice Lumumba.

Bob Masua, son père, est un producteur de musique reconnu et respecté de rumba et sében congolaises. A la maison, personne n’écoute de rap, pas même ses grands frères : « Notre père ne nous a pas emmenés en studio d’enregistrement ou en concert, ra- conte-t-il. En revanche, il y avait tous ses CD et ses DVD à la maison. Et c’est la seule musique qu’on écoutait. Je n’ai découvert le rap qu’en entrant au collège, je crois même que je suis plus calé en rumba qu’en rap français. Et, en- core aujourd’hui, j’écoute tous types de musique. »

« Je crois que je suis plus calé en rumba qu’en rap français. J’écoute tous types
de musique »

Collégien, il tombe dans le chaudron du rap local produit par le la- bel Beat 2 Boul des Sages Poètes de la rue. Ils baignent dans le rap dit de rue de la fin des années 1990 dont fait partie Lunatic, ­premier groupe de Booba, celui du très énervé LIM et du virtuose Salif. Bon élève guetté par l’ennui, Leonard se met très vite à écrire ses propres textes, inspirés de ses aventures dans le quartier avec sa bande de copains. Parce qu’il parle plus fort que les autres, qu’il mène le groupe, il se fait ­surnommer Sadam, comme le dictateur irakien… Il enlève les voyelles pour son nom d’artiste, devient SDM, mais ne prendra pas la musique au sérieux, préférant la délinquance et abandonnant ses études.

Les planètes s’alignent

A l’hiver 2018, après le décès de sa grand-mère à Kinshasa, le jeune homme se remet en question, comme il le raconte dans le mor- ceau Le Temps : « Sa mort m’a fait prendre conscience des choses. Je me suis demandé ce que j’allais faire de ma vie, ce que j’allais lais- ser. J’en ai parlé avec mes potes et eux m’ont dit : “Le seul truc que tu fais mieux que tout le monde et qui est légal, c’est de chanter.” »

A partir de là, les planètes s’alignent. Un de ses oncles, qui tra- vaille comme agent de sécurité auprès de Booba, fait écouter ses morceaux au boss du rap français. Sans résultat. Un autre rappeur de Clamart, PLK, participe à un des ti- tres de SDM, Jack Fuego, et l’invite à l’émission radio « Planète rap » sur Skyrock. Le titre arrive aux oreilles de Booba, et cette fois-ci sera la bonne. Ce dernier lui pro- pose de signer sur son label, 92i. « J’ai les mêmes principes que lui et j’aime les gens loyaux, vrais. On sait se parler entre quatre yeux, se dire les choses sans que ça se retrouve sur Internet », confie SDM, visiblement pas inquiet de ses futures relations avec Booba, pourtant fâché avec nombre de ses poulains (Kalash, Damso…).

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