Présidentielle : selon le quotidien français Le Figaro, l’ex-parti Pastef ‘cherche un plan B pour remplacer Ousmane Sonko’

Des sympathisants d'Ousmane Sonko manifestent, dimanche, place de la République à Paris, pour réclamer sa libération. KIRAN RIDLEY/AFP

Tract – Voici l’article paru dans le quotidien français Le Figaro, hier mercredi 23 août 2023, sous la plume de leur correspondante à Dakar, Maria Gerth-Niculescu, avec le titre « Sénégal : l’opposition cherche un « plan B » » :

Dans sa chambre d’hôpital à Dakar, le principal opposant sénégalais, Ousmane Sonko, reste sous contrôle médical et policier, après avoir été admis en service de réanimation ieudi der-nier. Cela fait plus de trois semaines que le maire de Ziguinchor, arrêté le 28 juillet, a entamé une grève de la faim. Un acte qu’il qualifie, sur les réseaux sociaux, de résistance face à la « haine», au « mensonge » et à « l’oppression ».

Alors que son parti, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), a été dissous par le gouvernement le 31 juillet, le rival numéro un du président Macky Sall ne compte pas se faire oublier de sitôt. À six mois de l’élection présidentielle, son camp fustige une « détention arbitraire » en « violation du code de procédure pénale » et déplore un « acharnement » juridique.

Pour de nombreux analystes, la multiplication des procès à l’encontre d’Ousmane Sonko démontre une instrumentalisation de la justice au profit du pouvoir. Selon le procureur de la Républi-que, Ousmane Sonko a notamment été arrêté pour « appels à l’insurrection et complot contre l’autorité de l’État ».

L’opposant. considéré comme l’un des favoris pour le scrutin de 2024, avait déjà été condamné en juin à deux ans de prison ferme par contumace pour « corruption de la jeunesse » et à six mois de prison avec sursis pour diffamation. Privé de ses droits civiques, et donc en théorie inéligible, l’opposant avait alors promis un « chaos indescriptible » si on l’empêchait d’être candi-dat. Aujourd’hui, il se présente comme un prisonnier politique.

« L’exigence est qu’on le rétablisse dans ses droits. Le seul but est d’être candidat, de battre campagne et d’être libre de ses mouvements», a déclaré Ayib Daffe, secrétaire général par intérim du Pastef.

Le gouvernement nie toute détention à caractère politique. « Les actes qui sont reprochés à Ousmane Sonko ont entraîné des pertes en vies humaines, de nombreux blessés ainsi que des actes de saccage et pillage de biens publics et prives», affirme Abdou Karim Fofana, porte-parole du gouvernement. « Pour les victimes de ces agissements, justice doit être rendue ».

Privée de son leader et de son parti le plus influent, l’opposition sénégalaise fait désormais face à un enjeu de taille. À six mois de la prochaine échéance électorale, elle dispose d’un temps limité pour rebondir. En théorie, l’arrestation récente d’Ousmane Sonko invalide la décision par contumace, et il resterait donc éligible. Mais « ce sera une procédure administrative et judiciaire pour le remettre sur les listes, et ça va prendre du temps », explique Hamidou Samba Ba, chercheur et enseignant en sciences politiques à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis. En revanche, il estime que le Pastef pourra participer au scrutin de 2024, en contournant la dissolution. « L’élection présidentielle implique toujours des coalitions de partis, le Pastef a d’autres alliés », précise-t-il. L’hypothèse d’un « plan B », une personne qui pourrait remplacer, au moins temporairement, Ousmane Sonko, pourrait se confirmer.

L’élection ferait donc émerger de nouveaux visages dans les deux camps. Macky Sall a annoncé début juillet qu’il ne se représenterait pas pour un troisieme mandat, et on ne sait pas qui lui succédera à la tête de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY). Selon Abdou Karim Fofana, l’identité du successeur sera révélée « très prochainement ».

Certains voient d’un œil inquiet ces tensions politiques, alors que les coups d’État et insurrections diha-distes se multiplient dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. Le Sénégal pourrait-il perdre son image de démocratie stable dans la région ?

Pour Hamidou Samba Ba, les crises politiques, notamment à l’approche des élections, n’ont rien d’anormal et ont rythme l’histoire du Senégal depuis l’indépendance. « Il y a le prisme grossissant des réseaux sociaux qui fait que tout le monde voit quand il y a un problème, tempère-t-il. Le champ politique a cette nature agonistique, traversée par des conflits, des luttes et des crises ».

Un rapport de force qui peut toutefois faire ressortir des dysfonctionnements démocratiques. Pour de nombreux analystes, la multiplication des procès à l’encontre d’Ousmane Sonko démontre une instrumentalisation de la justice au profit du pouvoir. Des inquiétudes soulevées également par les organisations des droits humains. En juillet, alors que le gouvernement avait coupé le réseau internet mobile, Amnesty International a demandé aux autorités de « respecter les droits humains, cesser de détenir arbitrairement des journalistes et des membres de l’opposition, et respecter les droits à la liberté d’expression et à l’information ».

L’arrestation d’Ousmane Sonko fin juillet avait laissé craindre de nouvelles émeutes. En juin dernier, 23 personnes ont été tuées lors de manifestations en soutien à l’opposant. Mais, pour le moment, à Dakar, la situation est calme.

Les alertes du Pastef sur de santé d’Ousmane Sonko se multiplient, mais le gouvernement ne semble pas envisager sa libération. Lundi, plus de 140 personnalités sénégalaises, dont des hommes politiques, des universitaires et des magistrats, ont publié une tribune réclamant « la mise en liberté d’office d’Ousmane Sonko » et « des autres personnes détenues pour (…) leurs opinions ».

Tract (Tract.sn)