[REPORTAGE-‘TRACT’] : En séjour dans le Fouta, Tract ‘opère’ dans le Ndioum, le cœur de Podor

TRACT – De village à commune, de son histoire et sa position géographique, Ndioum, l’une des communes les plus connues du département de Podor, regorge d’une histoire riche. Logée entre le marigot de Doué et le fleuve Sénégal, elle est une ville riche en culturelle et en histoire.

La commune de Ndioum est une localité située au nord du Sénégal. Elle fait partie de l’arrondissement de Gamadji Saré, du département de Podor et de la région de Saint-Louis. Ndioum est située à proximité du fleuve ou marigot de Doué, défluent du fleuve Sénégal. Elle a été érigée en commune en 1990. En 2007, selon les estimations officielles, la ville compterait 15.546 personnes. Il partage le département de Podor avec les communes d’Aéré Lao, Démette, Gaé, Galoya Toucouleur, Golléré, Guédé Chantier et village, Mboumba, Ndiandane, Pété, Podor et Walaldé.

Pour savoir plus sur l’histoire de cette ville qui date depuis les années 1800, nous sommes allés à la rencontre du vieux Demba Sall, un notable de la localité qui maitrise parfaitement l’histoire de la terre de ses ancêtres :

« Historiquement, la famille Diamsy est fondatrice du village de Ndioum. En effet Hamidou Diom, descendant de Tiguidi Diamsy, avait quitté Dimath pour s’installer à Ndioum. Là-bas il a eu un enfant Hamady Tiguidy Diamsy, c’était un enfant unique et les Ndioumnabés (habitants du village de Ndioum), l’appelaient affectueusement Badiel Tiguidy. À l’époque, les premiers royaumes avait disparu, laissant place à d’autres », nous a raconté le vieux Sall.

En poursuivant, notre hôte ajoute :

« Il y avait comme rois Tondiok Tondyon, Hamady Maana et biens d’autres. Et c’est à la fin de cette ère que verra le jour la dynastie des Farba qui vont à leurs tours occuper le trône C’était bien avant l’ère de Koly Téguinla. Les farbas étaient aux nombres de quatre à savoir Farba Ndioum, Farba Erem, Farba Walaldé et ils avaient formés des cantons. À l’époque, c’était Hamady Tiguidy Diamsy qui était le Farba de Ndioum et le Farba de Walaldé s’appelait Ndiaye Biram Mbegnou Kalidou Mangaramani Dieng et le Farba Erem se nommait Demba Ganne Mbegniga, ancêtre des actuels Mbegniga de Diaba », a-t-il ajouté.

Puis de renchérir :

« Le Farba de Ndioum, à savoir Hamady Diamsy avait deux fils qui étaient Fary Hamady et Aly Hamady et aussi une fille qui se nommait Ngoné. A la disparition de Hamady Diamsy, son fils ainé, Fary Hamady a hérité du trône. Et Aly Hamady quant à lui, était parti à l’aventure qui le mena à Diaba. Au temps, le village de Diaba était constitué de 12 quartiers qui étaient sous la tutelle de Boubou Abba. Aly Hamady, après un long séjour dans le village de Diaba, a voulu continuer son périple. Mais le chef du village s’opposa par estime à son égard et son courage. Il lui proposa de diviser les douze quartiers en deux. Ainsi le chef de Boubou Abba se retrouve avec 6 secteurs et cède les 6 autres à Aly Hamady. C’est ainsi que le titre de Diom Diaba lui fut décerné » nous a expliqué avec enthousiasme le notable Demba Sall.

« La loi 60015 du 13 janvier 1960 transforme le canton en arrondissement de Ndioum »

Le septagénaire en se rappelant de cette histoire que lui ont racontée ses parents, nous transmet :

« C’est avec l’indépendance que le canton de Dimat change de nom et devient l’arrondissement de Thillé Boubacar. Du Tooro à l’arrondissement de Ndioum, de 1890 à 1911, les provinces du Tooro et des Halaybé étaient divisées en 6 cantons qui étaient Mbantou, Halaybé, Edi, Podor, Guédé et Thielodji. Un premier regroupement est effectué en 1911 avec le canton de Podor-Guédé (Guédé), Seloobé-Haloybé (Démette) et Mbantou Edi (Ndioum). Et entre 1914 et 1932, un deuxième regroupement était effectué sous le nom de province du Tooro occidental (Guédé) et Tooro oriental (Démette), a-t-il rappelé.

Notre interlocuteur narre :

« Amadou Sy et son cousin Farba Biram dont je vous parlais tout à l’heure se succèdent à la tête du Tooro occidental. En 1932, le Tooro devient une province unique dirigée par Amadou Sall, fils du Lam Tooro. Le Tooro était divisé à nouveau en 1935 en deux provinces. La partie occidentale fut dirigée d’abord par Abdoul Alpha Dia, originaire de Goudoudé (Bosséa). Ce dernier transfère la capitale de Guédé à Ndioum. Il est remplacé de 1944 à 1947 par Déthié Sall, de 1947 à 1956 par Mamadou Racine Sy (petit-fils du capitaine Mamadou Racine Sy) ».

Poursuivant, il rajoute :

« Quant au Tooro oriental, il a été dirigé tour à tour par Amadou Sy (1932-1941), le brigadier Sall, puis le brigadier Fall (1941-1957). En 1957, avec la Loi-Cadre, à l’issue d’élection pour choisir le chef de canton, Aliou Sow dont la candidature est soutenue par le commandant de cercle, était nommé. Les populations de Démette et d’Édi s’opposaient à son installation. Et c’est à partir de Podor qu’il a administré le canton. La loi 59004 du 23 janvier 1959 regroupe les deux Tooro pour former le canton unique de Ndioum dirigé par Mamadou Racine Sy. La loi 60015 du 13 janvier 1960 transforme le canton en arrondissement de Ndioum », nous a retracé Demba Sall.

« Ndioum est une ville culturelle »

Quant à Iba Ndiongue, survolant le passé de cette ville, a retracé les fondements culturels de la cité :

« Ndioum est un foyer culturel avant même la rénovation de la ville. La culture au sens étymologique du terme avait simplement lieu en période hivernale. Parce que c’est en ce moment que tout le monde, pécheurs, paysans, pasteurs et élèves se retrouvaient dans le village. Et à partir de ces moments on commençait à animer le village, c’était relativement diversifié, les garçons d’un côté, les filles de l’autre côté », nous renseigne ce professeur de finances originaire de Ndioum.

Le Ndioumnabé révèle aussi :

« Ndioum est un carrefour entre le Dagana et le reste du Fouta, il est presque au centre. Il est composé de pécheurs, de pasteurs et de cultivateurs. Toute cette population se retrouvait au mois de juin-juillet. C’est en ce moment qu’on récoltait les champs du Walo. Les gens qui avaient quittaient le Walo revenaient et les peulhs traversaient le Walo pour aller dans le Diéry, et quand tout le monde se retrouvait il fallait l’animer », ajoute-t-il.

Parlant de la façon dont se déroulaient les animations, M. Ndiongue informe :

« On l’animait de différentes manières, selon les âges. Les jeunes jouaient du théâtre, on faisait aussi des matchs de football, on avait même instauré des matchs de football inter-villages et nous sommes les premiers à jouer avec l’équipe de Guédé chantier et Guédé village. Nous sommes aussi les premiers à aller dans ces zones pour y jouer du théâtre. Du coté des adultes, c’était les séances de lutte et les gens le faisaient dans 3 localités différentes. Avant, c’était à Diara avant qu’il ne soit inondée. Par la suite on allait à l’autre côté de la route, à Kael, près de la route nationale. C’était tous les mercredis, de manière intermittente, à Kael, à Ndioum Diéry et à Ndioum Walo. Le village était comme ça jusqu’au mois d’octobre », renseigne Iba Ndiongue.

Il ajoute en poursuivant :

« Au mois d’octobre, les eaux se retiraient et là, les gens commençaient eux aussi à se retirer. Mais la culture au vrai sens du terme a pris forme avec la rénovation de Ndioum qui a formalisé les journées culturelles, créant ainsi la vulgarisation systématique de Ndioum. Cela, parce que ce n’était pas simplement culturel, c’était aussi économique. Vous voyez l’hôtel, c’est sur l’innovation de la rénovation de même que la mairie, le centre d’hébergement. Du coup on a déplacé les journées culturelles vers l’économie car on a commencé à réfléchir sur le développement. Malheureusement, comme toute initiative quand cela prend une certaine dimension, une certaine notoriété, les velléités et les ambitions personnelles commencent à se manifester et la politique s’en était mêlée », a-t-il déploré.

Tidiane Amadou Ann, le rénovateur de Ndioum

« En 1974, Tidiane Amadou Ann a fait monter la rénovation de Ndioum. En ce moment il était le directeur de l’aviation civile du Sénégal. Il avait pensé réunir les hommes de Ndioum à Dakar avec l’association pour la rénovation de Ndioum. Mais quand la politique s’en était mêlée, elle a accéléré la fin de cette initiative. Si les gens ne voient pas l’utilité, c’est destiné à la mort comme toute chose qui nait », a encore édifié M. Ndiongue.

D’après le professeur de finances souligne :

« Historiquement, Podor a été défavorisé par sa situation géographique. Ndioum dans le temps était chef-lieu de département, c’était la ville vivante et vibrante comme aurait dit De gaulle, parce qu’il y avait les grandes maisons de commerce, il y avait des chemins, le prompt et d’autres. Et Podor était desservi par le fleuve parce qu’il y avait les bateaux Bou El Mogdad et le Soulak. Avant, ces bateaux faisaient Saint Louis-Bakel. Et les ports étaient bien évidemment Saint Louis, Dagana et Podor. Le commerce de la gomme arabique qui était cultivé dans cette zone était acheminé à Podor, il était la porte. Et quand la sécheresse est arrivée, le courant d’eau ne permettait plus aux bateaux de venir, cela s’est compliqué. Quand la route nationale s’est développée, les villes et les villages se sont installés et on n’avait plus besoin d’aller à l’intérieur ».

En concluant, M. Ndiongue signe :

« Ndioum est desservi d’une seule chose, c’est la température. Il fait très chaud ici, ce qui fait que le tourisme ne peut pas y prospérer. Par contre, ce qui peut prospérer ici, c’est l’agriculture et l’élevage. On doit faire un aménagement parce qu’on a le marigot de Doué ici, vous traversez, c’est Ndioum Walo, 10 km plus loin, vous avez Gayo, un autre bras de fleuve. Et après il y a le fleuve Sénégal ».

Hadj Ludovic