SAINT-LOUIS : Les citadins racontent leur calvaire causé par les inondations

Tract – La saison des pluies est devenue le moment le plus redoutable pour les habitants de la ville de Saint-Louis. La cause ? Les inondations causées par les eaux pluviales.

 

Plongés dans une galère totale en cette période où les pluies ne font que se succéder, les habitants de la vieille ville pataugent dans les eaux de pluie, poussant la plus part à suspendre leur activité quotidienne. Laissés à leur sort et plongés dans un désarroi total, les inondés ont pris leur destin entre leurs mains pour évacuer par eux-mêmes les eaux de pluies sans attendre les promesses de solutions faites par les autorités.

Justement, parlant des autorités, elles sont pointées du doigt partout où nous sommes passés. Elles sont accusées d’avoir une part de responsabilité sur ces inondations qui ne font que s’empirer d’année en année.

Une journée d’immersion faite par une équipe de votre site Tract dans les quartiers de Bango, Guinaw-Rail, Ndiolofenne, Cité Niakh, Diaminar et Darou, nous a permis de rencontrer certaines personnes, fortement touchées par les inondations et qui ne savent plus où se donner la tête.

Trouvé devant sa maison située au quartier Cité Niakh, habillé d’un sous-vêtement blanc et d’une culotte, l’eau lui arrive presque aux genoux. Interrogé sur la situation, Pape Massamba Mbengue nous confie :

« Tout ce que je peux vous dire est que les autorités locales sont les responsables de la situation que nous vivons actuellement. Elles ont entrepris des travaux publics partout dans la ville sans avoir pensé à faire des canaux d’évacuations digne de ce nom. Nous connaissons notre quartier mieux qu’elles et nous leur avions proposés des solutions lors de la pose des pavés pour que lors de l’hivernage, les eaux de pluie puissent être évacuées rapidement. Mais tout ce que nous leur avions dit est tombé dans l’oreille d’un sourd. Elles ont préféré faire confiance à des soi-disant experts qui ne connaissent pas le quartier et qui ne sont pas plus qualifiés que les maçons du quartier. Maintenant comme vous voyez, nous rencontrons d’énormes difficultés. Il est même impossible de s’habiller comme il faut et aller travailler. Vous voyez vous-même que l’eau nous arrive aux genoux, donc impossible de porter des habits correctes pour aller travailler », nous a confié le vieux âgé de 62 ans.

Un peu plus loin, au quartier Diaminar, nous avons rencontrés une dame du nom de Nogaye Mbaye. Visage crispé, air perdue, la mère de famille nous raconte sa galère :

« Je n’ai même pas les mots pour vous décrire à quel point nous souffrons actuellement à cause de ces inondations. Nous ne dormons que d’un seul œil et la peur nous gagne totalement à chaque fois que nous voyons le ciel noir, prêt à pleuvoir. Quand il pleut la nuit ici, comme ce fut le cas hier, personne dans ce quartier ne dort. Et le lendemain sera une journée morte parce que nous allons tous nous y mettre pour évacuer les eaux de pluie. Il y avait plus de pluies l’année dernière mais nous avons beaucoup plus souffert cette année. Nous n’avons même plus d’espace pour faire la cuisine et nous pouvons faire plus d’une trentaine de minute pour sortir du quartier et aller faire le marché. Nos enfants tombent malades à cause des moustiques et insectes de tout genre. Nous implorons les autorités de se soucier de nous qui les avons élus dans l’espoir d’une vie sociale meilleure. Tout ce qu’elles savent faire, c’est d’attendre qu’on se retrouve dans de pareilles situations pour venir nous apporter du riz et de l’huile avec les mêmes promesses que d’habitude », se désole la dame Mbaye.

Poursuivant notre immersion, nous avons rencontré au quartier Guinaw-Rail des jeunes, tous dans l’eau, réunis autour d’une motopompe. Une conversation entretenue avec eux, nous a permis de savoir les raisons de leur présence dans ce lieu qui est tout sauf un « Grand place ».

Ibrahima Ndiaye, âgé de 32 ans et l’ainé du groupe, s’ouvre à nous :

« Nous avons décidé de gérer le problème par nous-mêmes sans attendre aucune aide venant des autorités. Les seuls soutiens que nous avons viennent de bonnes volontés qui n’habitent même pas dans le quartier. Aussi, il y a des habitants du quartier qui se trouvent à l’extérieur du pays qui nous envoient de l’argent pour qu’on puisse acheter du gasoil pour faire fonctionner les deux motopompes que nous avons actuellement. Parfois aussi, nous cotisons nous-mêmes chacun 1000f pour acheter du carburant. Tout ça pour vous dire que les autorités n’ont absolument rien fait de concret pour nous sortir de cette situation », a argumenté M. Ndiaye.

Interrogé sur comment ils s’organisent pour faire évacuer les eaux, il a fait savoir :

« Nous les jeunes du quartier, nous nous sommes organisés en deux groupe. Plus loin dans l’autre ruelle, vous allez voir l’autre groupe. Chaque groupe est constitué d’une équipe de matin et d’une équipe du soir. Chaque équipe relève l’autre. Cette organisation nous permettra d’avoir du temps partiel pour nos activités quotidiennes. La majeure partie d’entre nous est composée de mécaniciens, de menuisiers, de marchands ambulants et d’étudiants. Mais depuis le début de cette situation, nous avons tous laissés nos occupations pour essayer de faire évacuer les eaux par les maigres moyens que nous avons. Et même si un jour il nous manque du gasoil, nous sommes prêts à utiliser des pots d’eau pour faire sortir l’eau de notre quartier. Nous allons nous y mettre par tous les moyens. Certes, ça ne va pas régler d’une manière durable la question des inondations mais puisque ceux qui ont la responsabilité de le faire et  les moyens qu’il faut ont d’autres priorités, nous sommes en train de prendre notre destin à main par la seule manière possible », a articulé Ibrahima Ndiaye qui se montre très déterminé.

 Hadj Ludovic