[SUNUGAAL] La démocratie décriée: ‘Une si longue lettre’ d’Élimane Kane à Macky Sall

(Sentract)-  La démocratie sénégalaise est de plus en plus décriée sous le régime du Président Macky Sall.  C’est dans ce sens qu’Elimane H. Kane, Président de LEGS-Africa à trempé sa plume pour écrire une si longue lettre à l’actuel locataire du Palais de la République.

Tract vous propose le texte in extenso !

 

Monsieur le Président. Nous avions salué l’annonce de votre non candidature à l’élection présidentielle de 2024 qui était la décision la plus normale attendue de vous depuis que vos partisans et alliés avaient commencé à vous proposer comme candidat de la majorité. Dans son contexte, l’annonce a valu son pesant d’or car votre décision fut un acte d’apaisement du climat politique et social devenu toxique pour le Sénégal et tous les sénégalais.

Depuis, nous observons la suite des évènements, espérant que vous posiez de nouveaux actes pour consolider votre volonté proclamée de servir notre démocratie et de renforcer l’Etat de droit.

Nous avons aussi espéré que vous veillerez à laisser en legs à votre successeur à l’institution présidentielle et aux générations futures un Sénégal stable où règne la paix et l’union des cœurs et des esprits, mobilisé vers les transformations économiques et sociales que vous aviez proposées aux Sénégalais dans votre programme Yonnu yokuté et dans le Plan Sénégal Émergent.

Nous avons objectivement constaté que le secteur de la gouvernance est le maillon faible de votre bilan, en plus de certains choix économiques inefficients du point de vue de la rationalisation des faibles revenus de notre pays et de la promotion d’un secteur privé national fort dans l’effort de construction de notre pays.

La cherté de la vie, même si elle est due à des événements exogènes et aux conséquences de la pandémie sanitaire et de la guerre russo-ukrainienne intervenues au cours de votre magistère, est aussi la conséquence d’une structure économique extravertie que vous n’avez pas sû corriger par des politiques publiques adéquates pendant vos deux mandats.

Même dans les moments les plus difficiles de la vie de notre pays, votre méthode constante est toujours de centraliser et de renforcer  le pouvoir entre vos mains tout en restreignant les libertés et droits des citoyens.
Vos nombreux et louables efforts pour réduire la fracture sociale ont été vains du fait de la pression démographique mal contenue et surtout du poids de la jeunesse dont la non prise en charge efficace contribue à exacerber les tensions internes.

Malgré tout, nous pensons toujours et croyons fermement que vous avez encore l’opportunité de sortir définitivement grand  de votre  charge de Président de la République et d’entrer triomphalement dans l’histoire. Car la rédemption et rectification sont encore possibles.

À cet effet. D’ici la prochaine élection présidentielle qui devrait consacrer votre succession vous devriez avoir dans votre agenda deux préoccupations essentielles.

La première est de veiller au renforcement de la démocratie sénégalaise à travers une attitude démocratique et responsable au sein de votre coalition et dans le processus d’organisation de l’élection présidentielle de 2024. Un fait inédit car pour une première fois de l’histoire du Sénégal un président sortant va organiser une élection à laquelle il ne participe pas. Une occasion historique pour sortir de vos habits de chef de parti et prendre de la hauteur au-dessus de tous les intérêts partisans pour se mettre au service exclusif de la démocratie et de la stabilité du pays.

La seconde est de garantir définitivement la justice équitable et les libertés individuelles et collectives de tous les sénégalais et d’enclencher une démarche de rassemblement pour l’unité nationale qui est essentielle pour renforcer les pouvoirs de notre Etat à face à toutes les menaces qui nous guettent.

Votre implication dans l’échéance électorale en tant que mentor et directeur de pré-campagne du candidat que vous avez décidé de choisir vous-même pour votre coalition est une attitude inappropriée qui non seulement peut saper la culture démocratique des acteurs politiques de votre camp mais aussi vous amener à un parti pris qui voudrait que vous soyez tenté d’user  de toutes les tactiques et combines, de tous les moyens nécessaires, même
légalement ou moralement bannis pour faire triompher le candidat de votre choix. Ce qui risque d’avoir des conséquences graves sur la stabilité du pays et sur vous même après votre départ du pouvoir.

Le Sénégal n’a jamais été aussi divisé de son histoire. Les clivages politiques ont même déteint sur le vivre ensemble et la cohésion sociale jusqu’au sein même des familles. Le moral et l’idéal démocratique des citoyens engagés sont entamés. Les esprits sont surchauffés et les cœurs meurtris. La douleur profonde que vivent certains compatriotes sur la base de leur perception de l’injustice et de leur espoir avorté couve comme un volcan qui peut faire éruption à tout moment.

Le rapport de forces peut balancer selon les circonstances malgré les stratégies avancées utilisées par la justice et les forces de sécurité contre l’opposition. Ce qui donne l’impression d’un acharnement et d’une volonté de neutraliser définitivement vos adversaires politiques. Pendant ce temps des infractions financières graves restent impunies et des abus et délits commis ouvertement par vos partisans restent impunis.

Monsieur le President, vous avez le devoir de rétablir l’équilibre de la paix si vous voulez nous laisser un héritage avenant à la place d’un chaos que le peuple sénégalais ne pourra jamais vous pardonner.

Cette équilibre de la paix dépend de celle de la justice qui doit rester impartiale et au sévir d’un Sénégal équitable pour tous. Vous avez proclamé « la patrie avant le parti » et « un Sénégal de tous et pour tous».
Nous nous demandons d’utiliser votre emprise sur le parquet pour la libération des sénégalais abusivement détenus pour leur engagement politique et de gracier tous ceux qui sont condamnés pour les mêmes faits. Même une loi d’amnistie générale ne serait pas de trop pour favoriser la réconciliation nationale.

Aujourd’hui, nous sommes dans une impasse démocratique, dans un contexte où les convoitises et les appétits voraces s’aiguisent sur nos ressources domestiques. Même si leurs exploitations ne garantissent pas une transformation effective et positive de notre structure économique et des conditions de vie de la majorité des sénégalais, cette nouvelle économie extractive dans laquelle nous allons entrer pourra profiter à une minorité d’affairistes internationaux et de politiciens et intermédiaires nationaux. Ce scénario déjà connu dans d’autres pays riches en ressources naturelles n’augure pas de bonnes perspectives pour notre pays. Nous vous demandons d’éviter au Sénégal de sombrer dans le chaos des inégalités économiques et sociales qui plongeront le pays durablement dans des conflits complexes et protéiformes.

Monsieur le Président, pour tout ce que le Sénégal vous a donné depuis votre jeunesse, c’est à dire d’avoir bénéficié de l’égalité des chances permise par une école publique et d’avoir accédé aux plus hautes fonctions de ce pays par le jeu démocratique, vous avez le devoir de rendre la pareille à toute la Nation sénégalaise. C’est à dire aux générations actuelle et futures.

Telle est notre seule et unique attente que nous avons de vous aujourd’hui et nous espérons que vous allez la satisfaire de la plus belle manière.

Enfin, pour ne pas éluder l’actualité urgente de la crise sécuritaire qui couve dans la sous-région, nous vous appelons à plus de retenue et de sagesse dans la gestion de la situation au Niger. Nous vous invitons à faire bon usage de votre leadership au sein de la CEDEAO et de l’Union Africaine pour orienter l’intervention de vos pairs vers une voie pacifique de retour à la légalité constitutionnelle car les peuples de l’Afrique de l’ouest ne peuvent pas supporter une guerre et des sanctions économiques, en plus de la guerre asymétrique du terrorisme qui a déjà privé à des millions d’africains des services régaliens de l’action publique.

Surtout que dans le vent de « dé-néocolonialité » et de la quête ultime de souveraineté, les chefs d’Etats représentants des peuples d’Afrique doivent éviter de suivre le jeu des intérêts des pays étrangers, particulièrement la France devenue impopulaire dans la perception de la jeunesse africaine.

Votre attitude responsable et exemplaire dans la gestion de cette crise vers la pacification et la prise en compte des aspirations des peuples africains vous propulsera définitivement sur la scène internationale comme un militant de la paix et défenseur des intérêts de l’Afrique dans le monde. Ce qui présage de nobles missions à remplir dans un futur proche au service de l’humanité.

Veuillez recevoir, Monsieur le Président, l’expression de ma considération républicaine

Patriotiquement vôtre !

Élimane H. Kane
Président de LEGS-Africa
Coordonnateur de MESURE

 

Tract