[Tribune] Afrique : l’action de la femme rurale dans la protection de la biodiversité en zone sahélienne (par Baltazar Atangana Noah)

SENtract – La zone sahélienne est une bande géographique sub-saharienne qui s’étend sur plus de 3 millions de km2 de la côte Atlantique jusqu’à la Mer Noire ; elle englobe 10 pays, notamment le Burkina Faso, le Cameroun, la Gambie, la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, le Soudan et le Tchad. Elle est caractérisée par un climat tropical aride au nord aux confins du Sahara (Niger), avec des écosystèmes de steppe boisée ; semi aride avec des zones de savane arborée au centre (Tchad), et de forêt plus au sud (Gambie).

 

Plus de la moitié des populations sahélienne est composée de femmes, dont 70 à 80 % vivent en milieu rural et se consacrent à l’agriculture. Conscients de l’apport décisif des femmes dans le développement économique de leur pays en général et celui de l’agriculture en particulier, les Nations-Unies ont institué le 15 octobre comme la journée internationale des femmes rurales et autochtones.

 

Grâce à leurs activités agricoles, les femmes rurales sahéliennes contribuent à lutter contre la pauvreté en assurant leur autonomisation, et à améliorer la sécurité alimentaire. Pour remplir leur mission, elles sont confrontées à de nombreuses difficultés.

– Le réchauffement climatique qui entraîne l’avancée du désert, l’envahissement des sols par le sable, la disparition des espèces végétales, fauniques, halieutiques, destruction de l’habitat, etc.

– L’érosion des sols, aggravée par la monoculture, la pression démographique sur les ressources naturelles, notamment la surexploitation des terres agricoles pour répondre à une demande croissante en alimentation, en fourrage, bois de chauffage, gibier, ressources halieutiques ; l’expansion de l’agriculture sur les zones de pâturage, génératrice de nombreux conflits avec les éleveurs, etc.

– Les difficultés d’accès à la propriété foncière par les femmes pour des raisons liées aux traditions ou à la religion.

 

Les populations sahéliennes sont classées parmi les plus démunies d’Afrique, en raison des rigueurs du climat et du milieu dans lequel elles vivent, aussi bénéficient-elles de l’appui conjugué des gouvernements, des organisations internationales (ONU Femmes, FAO, PAM, FME) et des ONG sur les questions environnementales et climatiques, en vue de promouvoir un développement agricole durable respectueux de la biodiversité, qui bénéficiera aux générations futures. Leur action consiste à mobiliser les financements, à sensibiliser et renforcer les capacité des acteurs locaux, notamment les femmes rurales et les décideurs, à travers des actions sur le terrain, des conférences, des séminaires, des ateliers de formation.

Le projet Grande Muraille Verte au Sahel, sous l’égide de la FAO se donne pour objectif d’appuyer les gouvernements et les populations locales pour restaurer la biodiversité, reverdir le Sahel afin de stopper la désertification et stocker le carbonne. A Koyli Alpha au Sénégal par exemple, les femmes de la communauté créent des pépinières dans le cadre du projet de la Grande Muraille Verte, qui servent à améliorer la sécurité alimentaire, à accroître leurs revenus, à planter des arbres et de la verdure pour la restauration et la préservation des sols. Il y a lieu de citer, entre autres, le Réseau Sahel Désertification (RESAD) ; le Centre d’Actions et de Réalisations International (CARI), qui a pour objectif la sauvegarde des oasis, la promotion de l’agro-écologie, la gestion durable des terres du Sahel. Les principales actions menées pour préserver la biodiversité sont : le respect des cycles de la nature ; limiter l’usage des produits phytosanitaires qui polluent les sols et les eaux ; utiliser le paillage ; fabriquer le compost naturel ; mettre en place des aires naturelles protégées pour la préservation de la biodiversité. Dans la région de l’Extrême-Nord au Cameroun, l’association « Femmes et Développement Rural » dirigée par Madame Julienne Djakou, qui est par ailleurs présidente d’une fédération d’organisations paysannes qui regroupe plus de 1.000 membres. Dans le cadre de ses activités, cette association crée des pépinières et vend des plants, fabrique des foyers améliorés qui permettent de consommer moins de bois de chauffage. Elle s’attèle également à la diversification des cultures (soja, haricot, sorgho), et à l’élevage des ovins et de caprins. Toutes ces activités permettent d’accroître leurs revenus en assurant leur autonomisation, d’assurer l’équilibre alimentaire et de préserver la biodiversité.

L’accès à la propriété foncière est difficile pour les femmes rurale sahéliennes, pour des raisons liées au statut de la femme dans la tradition et dans le domaine religieux, ce qui constitue un handicap sérieux à son activité agricole. La situation évolue tout de même dans certains pays ; il s’agit, par exemple, du Code Rural initié par le Niger en 1993 ; d’une politique nationale de sécurisation foncière au Burkina Faso élaborée en 2005 ; de la Loi d’Orientation Agricole adoptée par le Mali en 2006.

Les communautés- rurales en particulier- s’adaptent mieux dans les mécanismes de résilience et de renforcement des capacités quand la gente féminine est impliquée à la planification. Selon les Nations-Unies, les associations de femmes sont plus disposées à partager toutes les informations essentielles et utiles sur le bien-être des communautés dans lesquelles elles évoluent. Ces informations sont importantes pour la résilience. Tout compte fait, l’action de la femme est inévitable au renforcement de la résilience face à la préservation de la biodiversité. Ceci, parce qu’elles ont une capacité d’adaptation remarquable face aux changements climatiques, et elles sont également plus ouvertes aux changements sociaux et environnementaux. Et ce, surtout si leurs cercles familiaux en subissent des conséquences.

 

Baltazar Atangana Noah

Chef du projet Cameroun tout- vert de l’association For greening.

noahatango@yahoo.ca