TRIBUNE] Pour que le Sénégal ne devienne pas un ‘Maquis sale’… (Par Bassirou Sakho)

Tract – Dans une atmosphère tendue, marquée par des manifestations et des répressions, la décision du gouvernement de différer le scrutin prévu initialement le 25 février 2024 a ravivé les flammes d’un débat national sur l’état de la démocratie et la liberté d’expression au Sénégal.

 

Depuis son accession au pouvoir en 2012, le président Macky Sall fait face à des critiques croissantes concernant sa gestion des opposants politiques. Des figures emblématiques de l’opposition, telles que Khalifa Sall et Karim Wade, ont été écartées par des moyens judiciaires controversés, alimentant les accusations d’un système judiciaire instrumentalisé.

Dans ce contexte tumultueux, Ousmane Sonko, avec son discours vibrant et son engagement pour une gouvernance transparente, est apparu comme le porte-étendard d’une jeunesse sénégalaise désireuse de changement. Sa récente condamnation, pour le même motif que le célèbre athénien Socrate de corrompre la jeunesse, perçue par beaucoup de Sénégalais comme politiquement motivée, a exacerbé les tensions, entraînant le pays dans une série de manifestations.

La décision soudaine de reporter les élections, officiellement justifiée par une « crise institutionnelle », a été interprétée par une partie de la population et des observateurs internationaux comme une tentative de maintenir le statu quo. Les affrontements qui ont suivi entre les forces de l’ordre et les manifestants ont mis en lumière les défis profonds auxquels est confrontée la démocratie sénégalaise.

Le Sénégal, à la croisée des chemins, est aujourd’hui l’épicentre d’une lutte pour l’avenir démocratique, un combat qui dépasse les frontières du pays pour interroger la solidité des institutions démocratiques dans l’ensemble de l’Afrique. Elle porte en elle le risque d’une escalade de la violence, pouvant entraîner le pays dans un cercle vicieux de répression et de résistance.

Au-delà des frontières, cette instabilité menace d’isoler le Sénégal sur la scène internationale, les partenaires étrangers étant généralement réticents à s’engager dans des relations avec des pays en proie à des tensions politiques. Sur le plan économique, l’incertitude politique freine les investissements et peut conduire à un ralentissement économique, affectant le développement du pays et le bien-être de sa population.

J’appelle ici à une réflexion sur l’importance cruciale de préserver les principes démocratiques et d’assurer une transition pacifique du pouvoir, essentielle à la stabilité et au développement du continent.

Face à cette situation complexe, des solutions envisageables se dessinent pour sortir le pays de l’impasse. Une médiation nationale, réunissant l’ensemble des acteurs politiques, la société civile, et des observateurs internationaux, se présente comme une première étape vers la réconciliation. Ce processus de dialogue constructif vise à rétablir la confiance entre les différentes parties, favorisant ainsi un climat apaisé. La présence d’observateurs internationaux pourrait garantir la transparence et l’équité du processus, tout en offrant une reconnaissance internationale des efforts entrepris.

La clarification et le respect d’un calendrier électoral sont également cruciaux. Le rétablissement d’un calendrier clair, défini de manière consensuelle, permettrait d’assurer le retour à un fonctionnement constitutionnel normal et de restaurer la confiance dans le processus démocratique. Cette étape est fondamentale pour garantir que toutes les parties se sentent engagées dans un processus électoral juste et transparent.

Enfin, la mise en œuvre de réformes profondes pour renforcer l’indépendance judiciaire et garantir la liberté de presse est essentielle. Une justice indépendante est le pilier d’une démocratie saine, capable de protéger les droits de tous les citoyens et de maintenir un équilibre des pouvoirs. De même, une presse libre est indispensable pour assurer une information objective et diversifiée, permettant aux citoyens de prendre des décisions éclairées. Ces réformes sont des étapes clés pour reconstruire la confiance dans les institutions et promouvoir un dialogue ouvert et constructif.

Naviguer hors de cette crise demande un engagement fort en faveur de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de la primauté du dialogue. Le Sénégal, avec l’appui de la communauté internationale, a l’opportunité de prendre un nouveau départ vers une stabilité durable et un développement inclusif.

Bassirou Sakho