Coup de poker du gouvernement malien : des centaines de jihadistes libérés, des ex-rebelles nommés ministres

Security forces ride in a truck in the capital Bamako, Mali Wednesday, Aug. 19, 2020. The Malian soldiers who forced President Ibrahim Boubacar Keita to resign in a coup promised early Wednesday to organize new elections after their takeover was swiftly condemned by the international community. (AP Photo/Baba Ahmed)

Plus d’une centaine de jihadistes condamnés ou présumés ont été libérés au Mali au cours du week-end. Des libérations d’une telle ampleur sont très rares au Mali. Avec quels engagements de contreparties de la part des rebelles ? Aucune officiellement, le nouveau pouvoir de Bamako compte uniquement sur la « bonne foi » des insurgés pour lui renvoyer l’ascenseur.

Un élu de Tessalit a confirmé anonymement à l’AFP l’arrivée dimanche par avion de « très nombreux prisonniers djihadistes » et leur libération.

« Les prisonniers ont été relâchés dans le secteur de Niono (centre) et dans la région de Tessalit (nord) vers où ils ont été acheminés par avion », a- confirmé un responsable des services de sécurité maliens.

Dialoguer ou non                 

La libération de ces djihadistes intervient alors que le Mali est passé sous une nouvelle autorité, avec le coup d’Etat militaire qui a renversé le président Keïta le 18 août. Les militaires viennent d’engager une transition censée ramener les civils au pouvoir au bout de 18 mois. Ils conservent une forte emprise sur la direction du pays.

Le Mali est plongé dans une crise sécuritaire profonde depuis les insurrections indépendantistes et djihadistes parties du nord en 2012.

Un accord de paix a été signé avec les indépendantistes. Mais les agissements des groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda ou à l’organisation Etat islamique se sont propagés au centre du Mali, ainsi qu’aux pays voisins, malgré le déploiement de forces françaises et internationales.

Les violences ont fait des milliers de morts militaires et civils. Deux tiers du territoire échappent au contrôle du pouvoir central. L’ancien président Keïta avait longtemps refusé officiellement le dialogue avec les jihadistes avant de briser ce dogme en février en se disant prêt à parler à certains d’entre eux. Des contacts ont toutefois existé auparavant, inavoués, pour la libération d’otages ou la négociation de cessez-le-feu. La junte militaire n’a pas fermé la porte aux discussions. Elle a fait voeu de chercher à obtenir la libération de Soumaïla Cissé. Les otages occidentaux parmi lesquelles la journaliste Sophie Pétronin pourraient aussi être libérés par les jihadistes, en contrepartie de la libération de centaines des leurs.  Le président de transition Bah Ndaw a aussi nommé les membres du gouvernement Moctar Ouane. Parmi les ministres figurent deux ex-rebelles, à l’Agriculture (Mahmoud Ould Mohamed) et à la Jeunesse. Un coup de poker se joue à Bamako : régler la crise sécuritaire par la négociation politique et non pas par les affrontements armés.

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