Affaire Jeanne d’Arc : les Sénégalais catholiques ne demandent pas à être… « tolérés » ! (Maurice Édouard Coulibaly)

Le post Facebook sur l’affaire de l’interdiction prochaine du voile à l’institution Ste- Jeanne d’Arc, d’Abdoulaye Saer Diop, musulman si j’en crois ce que j’ai lu, m’a mis du baume au cœur. Il me rassure sur la capacité des Sénégalais, la majorité d’entre eux, à s’inscrire dans le projet républicain au cœur duquel se trouve L’École.

En effet, dans sa publication du jour, que je partage in extenso dans le paragraphe qui suit, il y constate pour le déplorer le refus d’acceptation de la laïcité “à la Française” de certains qui s’émeuvent de ce qu’une École Confessionnelle, Catholique pour le coup, prenne des dispositions pour empêcher l’expression ostensible de l’appartenance à une religion ou à une autre en instaurant une tenue – uniforme.

Voici ce qu’Abdoulaye Saer Diop écrit :

« Même si on est dans un établissement catholique, le respect du caractère laïc de l’école « à la française » que nous appliquons dans ce pays leur donne le droit d’adopter ce règlement !

Et cela a toujours été le cas, vraiment c’est un débat qu’il faudrait éviter dans ce pays.

Et si un chrétien ou catholique inscrivait sa fille dans une école franco-arabe, tout en exigeant qu’elle porte la soutane avec une croix visible… que se passera-t-il ?

Institution Sainte Jeanne d’Arc, Vous avez le soutien de tous ceux pour qui la laïcité représente une assurance : celle du mieux-vivre ensemble ! »

La note de service signée Rayanna Tall que je joins en photo, par laquelle, l’institution Sainte Jeanne D’Arc, entend rétablir la laïcité au sein de son école, est jointe ci-après.

Mais, faisons un petit rappel car, “mal nommer les choses, c’est rajouter au Malheur du monde”, pour paraphraser Camus à qui l’on prête la paternité de la citation

Qu’est ce donc la laïcité ? C’est une théorie qui repose sur trois principes et valeurs :

1. La liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public ;
2. La séparation des institutions publiques et des organisations religieuses, et ;
3. L’égalité de tous devant la loi quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions.

La première conséquence de ce qui précède, c’est que la laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public.

Or, en l’espèce qu’est il reproché à cette mesure administrative de l’école dont il n’est pas superflu de rappeler qu’elle propose un enseignement de type programme français ?

Les détracteurs lui reprochent d’avoir statué sur l’instauration d’une tenue et que la composition de cette dernière n’autoriserait pas les élèves à porter le voile.

Les défenseurs de la mesure, rappellent aux premiers qu’ils ont vite fait d’oublier qu’à la phrase suivante, la Direction de L’École s’empresse d’expliquer le fondement éducatif d’une telle option. Je cite : “ l’Institution Sainte Jeanne D’Arc demeure un lieu d’éducation rigoureuse accueillant des personnes de toutes origines, croyances et cultures, sans exclusion”. Poursuivant, L’École vieille de plusieurs dizaines d’années, assume qu’elle appelle solennellement au “respect de son Identité, … En partie définie par la Tenue”.

Qu’y a-t-il de grave, ou de “scandaleux” (pour reprendre le titre de l’article de Leral.net, dont la faiblesse de la formation du journaliste et/ou l’absence d’objectivité sont manifestes) dans cette posture ?

Dois-je rappeler qu’au Sénégal, l’Institut Al-Azar, oblige ses élèves à se voiler et, sans choquer personne, refuse d’accepter en son sein des élèves qui ne seraient pas musulmans ? Dois-je rappeler que cette école, que j’ai citée en exemple, est loin d’être une exception ? Dois-je aller jusqu’à affirmer que la règle des écoles confessionnelles musulmanes, au Sénégal est l’exclusion de tous ceux qui ne le sont pas ? Qui s’en est ému ?

Je vois tout de suite, les caciques, arriver avec cette bonne vieille “tolérance”.

Les réactions nombreuses qu’a charrié cette décision achoppent sur un argument qui revient, comme une antienne : Nous somme un pays de Tolérance ! Les catholiques ne demandent pas à être tolérés. Savez-vous ce que signifie être toléré ? Selon le Larousse, “tolérer quelque chose, d’admettre avec une certaine passivité, avec condescendance parfois, ce que l’on aurait le pouvoir d’interdire, le droit d’empêcher.”

Vous rendez-vous compte ? Alors, sommes nous toujours un pays au sein duquel on tolère les catholiques ?

Enfin un dernier argument, que nous jettent à la figure, les contempteurs de cette disposition administrative, le voile que porte les religieuses catholiques.

Tout d’abord, ce voile-là, lui, ne s’adresse pas à toutes les catholiques, et encore moins à toutes les chrétiennes.

Comme sa dénomination l’indique, il s’adresse aux religieuses. La plupart de celles qui l’arborent, appartiennent à un ordre religieux régi par des règles ecclésiastiques (le régulier) en dehors du temps et de la société (le séculier). Le bienheureux pape jean Paul II déclare à ce sujet que : « L’habit est un signe de consécration, de pauvreté et d’appartenance à une famille religieuse déterminée ». On ne dit d’ailleurs pas d’une femme entrant dans les ordres qu’elle « met le voile » mais qu’elle le prend. « Prendre le voile » signifie entrer au couvent. Ce voile est le symbole du mariage des religieuses avec Dieu et Jésus-Christ. Ainsi, de tout temps, le voile des religieuses catholiques servait à se distinguer des femmes laïques.

Les religieuses vivent presque en autarcie. C’est un choix de vie au sein d’une communauté qui a fait vœu de célibat, de chasteté sexuelle (corollaires de leur mariage symbolique) et de pauvreté pour se consacrer à la prière. Leur voile symbolise aussi le sacrifice de s’être retirées du monde (pas de mariage, pas d’enfants, peu de vie sociale autre qu’avec les nonnes) pour montrer leur dévouement total à Jésus-Christ. L’uniforme monastique étant uniquement spirituel sans aucune connotation sexuelle, et Dieu supposé être partout, ces religieuses sont toujours voilées, même lorsqu’elles sont entre elles. Il s’y ajoute que dans certains ordres, ce voile est un foulard simplement

Rien à voir avec le voile dont il est question ici.

Pour finir, nous n’accepterons, qu’a intervalles réguliers surgisse ce débat pour nous obliger à nous déterminer dans un sens ou dans l’autre. Le but de la laïcité, n’en déplaise à certains est de permettre l’expression de toutes les sensibilités. Il faut donc la protéger comme notre trésor le plus précieux, celui qui garantit la pérennité de notre vivre ensemble.

Gorgui Kafindia (Maurice Édouard Coulibaly)