[FOOT] Longtemps mal-aimé en France, le résident sénégalais Hervé Renard délaisse ses 300.000 euros mensuels saoudiens et va coacher l’équipe de France des Bleues

Tract – Célébré sur le continent africain mais négligé par les clubs français, le sélectionneur devrait arriver à la tête des Bleues, en pleine crise à quatre mois du Mondial féminin.

En septembre 2013, alors qu’il postulait pour re prendre en main un FC Sochaux en mal de résultats, un entraîneur confirmé (et titré) de Ligue 1 avait appris par la bande qu’Hervé Renard, tout frais champion d’Afrique avec la sélection zambienne, était également sur les rangs. Ulcéré, il avait passé un coup de fil à la direction sochalienne pour expliquer qu’il se retirait: être en balance avec Hervé Renard était à ses yeux une insulte, son interlocuteur l’entendant même se demander tout haut si celui-ci n’allait pas «débarquer avec ses sorciers et ses marabouts», relate le quotidien Libération, sous la plume de journaliste Grégory Schneider.

Sous contrat avec la fédération saoudienne, Renard avait prolongé jusqu’en 2027 pour un salaire mensuel estimé à 300000 euros.

Renard avait eu le poste et le FC Sochaux s’était réveillé jusqu’à la toute dernière journée mais avait été relégué en Ligue 2. Dix ans plus tard, plusieurs vies à l’échelle d’un entraîneur de foot, le natif d’Aix-les-Bains (Savoie), parti tour à tout entraîner le Maroc, Lille, la Côte-d’Ivoire et l’Arabie Saoudite, va reprendre pied sur la scène hexagonale: selon l’AFP, l’officialisation de son arrivée au poste de sélectionneur de l’équipe de France féminine n’est plus qu’une question d’heures. Il faut aussi la jauger à l’aune de l’évolution des mentalités dans le foot français, et du mépris scandaleux dans lequel il a parfois tenu le foot africain et ceux qui l’ont fait vivre, joueurs ou techniciens.

Sensibilité exacerbée.

Si le nom de Renard était sorti assez vite une fois Corinne Diacre écartée, il apparaissait quelque peu fantasmatique: sous contrat depuis 2019 avec la fédération saoudienne et seul vainqueur des futurs champions du monde argentins (2-1) lors du Mondial gatari, Renard avait prolongé son

bail en mai jusqu’en 2027 pour un salaire mensuel estimé à 300000 euros. Quand il est allé poser sa démission mardi, il a ainsi fait une croix sur 15 millions d’euros, les salaires en vigueur à la fédération française – Diacre touchait 30000 euros par mois – n’ayant aucune chance d’approcher ses émoluments dans le Golfe, sans même parler des luxueuses conditions de travail et de l’immense crédit dont il jouissait dans le royaume. Il faut donc entendre que Renard arrive avec une motivation de la taille d’une planète.

Et le désir, selon un proche, d’être enfin prophète en son pays, ses deux titres continentaux avec des sélections africaines (Zambie 2012, Côte-d’Ivoire 2015) ne lui ayant ouvert qu’une brève perspective, à Lille donc, où ses joueurs se seraient fait découper en tranches pour leur coach mais où la direction avait tiré l’échelle de façon précipitée et injuste selon lui, une blessure qui avait mis du temps à cicatriser. Renard est un type à part, profondément ouvert sur le monde, capable de fondre en larmes devant une caméra de La Chaîne l’Equipe en évoquant les mille précautions prises par sa mère pour lui annoncer la présence à venir d’un beau-père noir dans sa vie à lui.

Grandi dans l’ombre de Claude Le Roy, entraîneur historique d’équipes africaines, qui expliquait le mois dernier que «l’élève a dépassé le maître» depuis bien longtemps, il n’a jamais craint d’exposer une sensibilité exacerbée jusque dans le vestiaire: un management à la fois électrique et affectif qui aura mis à l’épreuve des surperstars de la dimension d’un Gervinho, d’un Yaya Touré ou d’un Salomon Kalou, réputés sûrs de leur talent et n’ayant pas pour habitude de faire des fleurs à des entraîneurs ayant, à leurs yeux. l’immense honneur de les diriger.

Quelque peu disruptive dans un contexte où le foot féminin est largement déconsidéré (les pays anglo-saxons mis à part) par rapport à son pendant masculin, et ce malgré les discours de façade, l’arrivée de Renard survient dans un contexte épouvantable. Ce sont les joueuses qui, en se mettant en retrait de la sélection (la Lyonnaise Wendie Renard, les Parisiennes Kadidiatou Diani et Marie-Antoinette Katoto) ou en soutenant celles qui l’ont fait sur les réseaux sociaux, ont eu la peau de Diacre, lâchée par sa tutelle au risque de créer un précédent. César Mavacala, agent de Diani et Katoto (et compagnon de la première nommée) vient d’être mis en examen par le parquet de Versailles pour «extorsions en bande organi-sée» dans le cadre de l’affaire relative à l’agression dont a été victime Kheira Hamraoui et dont est soupçonnée l’ex-coéquipière de celle-ci, Aminata Diallo, proche de Diani et de Katoto.

Bruit de fond. 

A mots couverts, Diacre a suggéré un lien possible entre l’affaire Hamraoui, qu’elle venait tout juste de rappeler en sélection, et les mises en retrait: un bruit de fond que les joueuses concernées ont pris soin d’étouffer en évoquant publiquement non pas une affaire de personne puisque Diacre n’a jamais été citée, mais une histoire de mépris du foot dans sa version féminine. Elles ont ainsi réclamé des standards de travail plus proches de ceux dont bénéficie la sélection homme, à commencer, si l’on comprend bien, par un sélectionneur compétent dont le nom «cla-que». Elles vont être servies.

Hervé Renard a un nom, une image, du charisme, un CV construit dans le foot masculin, ce qui flattera assurément leur ego, un palmarès et l’aura de celui qui aura renoncé à des millions pour être là. Les joueuses ont une Coupe du monde sur le feu dans quelques mois (20 juillet – 20 août) en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Elles sont au pied du mur. •

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