[Interview] Élisabeth ETOUNDI: «La révolution verte est possible si tous les acteurs de la chaîne agissent de façon concertée»

Tract – Entretien avec ETOUNDI MEKONG Elisabeth Raïssa, finaliste de l’Awep award Cameroon 2023,  âgée de 27ans. Cette jeune ingénieure du Génie de l’Environnement-Spécialiste des Déchets et Pollutions, a créé VERTUS Sarl au Cameroun, une startup qui fabrique et commercialise des intrants agricoles biologiques (biopesticides, bio-engrais) à base de Neem. 

 

Qu’est-ce qui vous a motivé à mettre sur pieds Vertus Sarl ?

J’ai bénéficié en 2018, dans le cadre de mon stage de fin de formation à la Coopération Allemande, d’un financement pour l’étude comparative des propriétés physico-chimiques des huiles de Neem obtenues par extractions artisanales et industrielle. C’est donc, forte de mes résultats de laboratoire-ayant observé et subi les dommages environnementaux et sanitaires des intrants agricoles chimiques, et consciente de l’action quadruple (insecticide, fongicide, acaricide et nématicide) du Neem sur plus de 200 espèces de ravageurs des cultures- que j’ai mis sur pieds Vertus Sarl. Cette startup répond aux besoins cruciaux de booster les productions, de lutter contre les nuisibles sans causer d’impacts négatifs à l’environnement et aux consommateurs que nous sommes. 

Avez-vous l’impression d’avoir modifié certaines pratiques depuis le lancement de vos activités au Cameroun ?

L’ensemble de la population étant conscient des méfaits des intrants agricoles chimiques, notre proposition est bien accueillie par les agriculteurs qui s’y intéressent progressivement.  Nous amenons ceux des agriculteurs (du Centre, Littoral et du Nord) que nous accompagnons, à basculer vers la pratique d’une agriculture durable, sans toutefois hypothéquer leurs capacités de production, et en préservant leur santé en tant qu’utilisateur d’intrants biologiques et consommateurs de produits.   

Comment vous informez vous sur les technologies innovantes, nouvelles pratiques ou nouveaux intrants ?

Mes principaux canaux d’informations sont les plates-formes digitales  : les applications telles que YouTube, Facebook ; mon accompagnement par la Coopération Allemande et ma collaboration avec elle, me permettent également d’être au top en terme d’informations sur les technologies innovantes, les nouvelles pratiques et les nouveaux intrants.

Pensez-vous que les distributeurs d’intrants agricoles peuvent-ils instaurer la révolution verte au Cameroun? Si oui, comment?

La révolution verte est possible si tous les acteurs de la chaîne agissent de façon concertée. Les distributeurs d’intrants agricoles peuvent de par leur rôle crucial, procéder à une sensibilisation forte le long de leur chaîne de distribution. Ils sont l’oxygène même de la révolution en ce sens qu’ils détiennent l’avenir des semences, des pesticides et des engrais. Il est question pour les politiques Camerounaises, de les assimiler aux porteurs de l’innovation, et de les considérer comme acteurs garantissant une sécurité alimentaire.

Est-ce  que l’utilisation de vos intrants agricoles,   qui ont une action quadruple (insecticide, acaricide, nematicide, fongicide) et ne causent aucun dommage à l’environnement et aux consommateurs,   favorise l’amélioration de la production ?

Les intrants agricoles de VERTUS Sarl boostent la production dans le sens qu’ils apportent l’azote, le phosphore et le potassium à des proportions impressionnantes de 6.4% ; 0.9% ; 2.5% respectivement. Leurs apports en souffre, en calcium et oligo-éléments et leur action quadruple limitent les pertes en production ; tout ceci participant à l’amélioration de la production. 

Globalement, comment est l’implication de la femme dans le cadre de l’utilisation des intrants agricoles au Cameroun?

La femme est une épine dorsale du paysage agricole au Cameroun, tant comme cheffe d’exploitation que salariée ; elle représente environ 71.6% de la main d’œuvre agricole formelle. Les données disponibles montrent que la femme fait l’essentiel du travail sur les parcelles cultivées et donc, est plus disposée et impliquée à l’utilisation et la maîtrise des intrants agricoles.

Vous êtes finaliste de l’awep award cameroon 2023, quel projet présentez-vous?

Le projet que je porte à la finale 2023 des African Women Entrepreurship Program (AWEP) pour le Cameroun, est celui de la fabrication et commercialisation d’intrants agricoles biologiques (biopesticides, bio-engrais) à base d’huile et de tourteau de Neem, cet arbre que j’ai baptisé « l’or vert du Sahel » et qui est malheureusement sous exploité sur l’ensemble du triangle national. 

Quel est votre ambition lorsque vous participez à des activités visant à promouvoir et à encourager l’entreprenariat ?

La création de richesse à travers l’entreprenariat, est le moyen par lequel nous pourrions progressivement émerger. En participant à des activités qui le promeuvent, j’ambitionne, au-delà des gains financiers possibles, accroître ma notoriété de jeune startup, élargir mon réseau professionnel, et trouver de potentiels investisseurs et partenaires.

Quel est votre mot de la fin.

En vous remerciant de m’avoir ouvert les portes de votre tribune, je voudrais profiter pour continuer de sensibiliser l’ensemble de la population camerounaise en particulier, et mondiale en générale, sur les dangers auxquels on expose notre environnement et notre santé en utilisant les intrants agricoles chimiques : dérèglement climatique, destruction des écosystèmes, perturbations endocriniennes, cancers, allergies sévères, etc. 

Je ne saurai, par ailleurs, terminer sans lancer un appel fort aux femmes, principal poumon de l’activité agricole au Cameroun de s’investir davantage et de rechercher permanemment des solutions adaptées et contextualisées aux problèmes agricoles actuels.

 

Baltazar Atangana

Correspondant/ Cameroun

(noahatango@yahoo.ca)