[DÉCÈS] Le journaliste doyen Mame Less Camara, emporté par le diabète à 67 ans, ce samedi  : Ousseynou Nar Gueye, fondateur de Tract, et Georges Nesta Diop de Walf, témoignent avec émotion

Tract – Le journaliste doyen Mame Less Camara est décédé ce samedi 29 avril à l’hôpital Principal de Dakar, tôt ce matin, de longue maladie. On sait qu’il était diabétique et il avait perdu la moitié de son poids en 20 ans, alors que jadis, il avait un bel embonpoint, machallah.

Le journaliste Georges Nesta Diop deWalf est tres touché. Voici ce qu’il dit : « Oh Less !! Mon premier Directeur de publication au quotidien Le Matin (2000). Less, le grand journaliste, le syndicaliste ( ancien sg du Synpics), le grand éditorialiste, le grand formateur, excusez du peu. La dernière fois qu’on s’est retrouvés, c’était à Walf lors du départ à la retraite de Fatou Bousso( la première femme à être embauchée à Walf) , il y a à peine trois mois. Oh, Less. Less tenait à se faire raccompagner jusqu’à la porte Pierre Edouard Faye et moi . Repose en paix doyen less aka Abdou Sow. Moi, stagiaire au quotidien Le Matin en 2000, Less Dirpub comme nous appelons les Directeurs de publication dans notre jargon journalistique, et pourtant on rentrait chaque soir à la cité des enseignants ( Golf nord). Il conduisait et te causait comme s’il était en classe. Cet homme a donné sa vie à la presse. Less à créé beaucoup de radios au Sénégal, à commencer par Walf fm. Il restait un éternel reporter. Une image me revient : le jour du lancement des « Assises nationales  » organisées par l’opposition aujourd’hui au pouvoir dans un hôtel de la place , il est venu s’assoir juste à mes côtés sur les gradins. Alors qu’il était à la Bbc. Quand je lui fais la remarque, il répond : « boy, on n’est jamais vieux pour être reporter , je ne suis pas venu ici comme invité d’honneur, j’ai un carton d’invitation mais je préfère rester ici ». Quelle humilité !!! »

Ousseynou Nar Gueye, fondateur de Tract, est aussi très peiné par la disparition de « Grand Less ». Gueye rappelle : « j’ai connu Mame Less au Matin en 1999. J’avais été Directeur de l’Alliance française de Saint-Louis pendant trois ans, seule ville où j’avais travaillé. Puis, je suis allé faire un DESS Mastère à la Sorbonne à Paris, en 1998. De retour au Sénégal, j’ai voulu travailler à Dakar et je me suis lancé dans la presse, car j’exerçais déjà à Saint-Louis, avec une émission sur Téranga FM de feu Golbert Diagne et des correspondances particulières pour le Matin, depuis Ndar. A Dakar, je faisais des piges en 1999 pour trois organes de presse : radio Nostalgie, Le Témoin hebdo et Le Matin. Au Matin, Mame Less était mon Dirpub et il a tout de suite décelé ma seniorité. Plusieurs fois, il m’a confié l’éditorial en oreillette sur la Une du Matin, signé Daw Thiow. Less était affable, d’une grande urbanité, la voix douce mais au timbre chaud et la diction plaisante, et j’ai toujours eu de belles discussions avec lui. J’ai continué ma route en mars 2000 en allant cofonder Tract avec Ibou Fall, quotidien dont j’ai été le premier rédacteur en chef. C’était une période enthousiasmante, avec l’alternance politique qui allait survenir en 2000 avec Wade. Mame Less a aussi poursuivi sa route en allant diriger Envi FM, Océan FM, être correspondant de la BBC, rejoindre GFM. C’était une belle âme. Il nous manque déjà. Il nous manquera. Son sobriquet de journaliste privé semi-clandestin des années de répression delà presse, sous le régime socialiste était connu même du Président Abdou Diouf : Abdou Sow. Son pseudonyme Abdou Sow expliquait par le fait qu’il écrivait des chroniques dans la presse privée alors qu’il travaillait à la radio d’État, unique à l’époque et voix de son maître, la RTS. Il a donc été un pionnier et il restera un modèle pour nous. Que Dieu swt l’agrée en son paradis le plus élevé et donne force et foi à sa famille, à ses proches et a ses amis.

Le journaliste Ibrahima Benjamin Diagne est aussi très touché. Il dit ceci :  » Quelle triste nouvelle! Mame Less Camara, ancien secrétaire général du Synpics vient de tirer sa révérence en cette veille du 3 Mai marquant la journée internationale de la liberté d’expression. Mission accomplie pour l’un des pionniers de la presse sénégalaise! Hommage à ce grand journaliste-formateur au Cesti. Mame Less a formé, formaté et encadré plusieurs générations de journalistes. De la Rts à Walf en passant par le Matin sous le sobriquet de Abdou Sow, le doyen Less a lancé Envi FM , Ocean FM, coaché plusieurs médias tout en collaborant avec la BBC à Dakar avant de déposer son baluchon à Futurs Medias pour apporter sa pierre à l’édifice. Très subtil et généreux dans le partage des connaissances, le doyen Mame Less Camara a assuré la modération de plusieurs conférences et tables rondes aux quelles j’ai pris part comme paneliste. Je recevais régulièrement des conseils et encouragements de ce grand Monsieur, un philosophe, un as de la radio et une belle plume qui m’a toujours inspiré. Prions pour le repos de son âme ! Hommage à ce grand journaliste-formateur au Cesti. Mame Less a formé, formaté et encadré plusieurs générations de journalistes. De la Rts à Walf en passant par le Matin sous le sobriquet de Abdou Sow, le doyen Less a lancé Envi FM , Ocean FM, coaché plusieurs médias tout en collaborant avec la BBC à Dakar avant de déposer son baluchon à Futurs Medias pour apporter sa pierre à l’édifice. Très subtil et généreux dans le partage des connaissances, le doyen Mame Less Camara a assuré la modération de plusieurs conférences et tables rondes aux quelles j’ai pris part comme paneliste. Je recevais régulièrement des conseils et encouragements de ce grand Monsieur, un philosophe, un as de la radio et une belle plume qui m’a toujours inspiré. Prions pour le repos de son âme ! « 

Parrain de la quinzième promotion du Programme Leadership Politique en 2021 de la fondation Friedrich Elbert Stiftung (FES), le journaliste Mame Less Camara a été perçu à cette occasion, unanimement, comme un modèle pour sa constance et son idéal pour une presse libre et indépendante.

Les moyens de vivre ne l’ont jamais emporté sur ses raisons de vivre. Et dans un contexte où la presse est à la croisée des chemins et parfois décriée, le journaliste Mame Less Camara faisait figure de boussole. Après près de 40 ans de carrière dans la presse, le journaliste-formateur faisait l’unanimité dans le paysage politico-médiatique. Parrain du Programme Leadership Politique de la FES , il a été porté au pinacle par plusieurs acteurs de la vie sociale, en 20021. «Parlant de Leadership, il y a des identités remarquables qui, dans tous les pays, s’incarnent de façon naturelle d’abord, ensuite par leur œuvre globale. Mame Less Camara est extrêmement extraordinaire de ce point de vue», avait déclaré l’ancien ministre des Affaires Etrangères, Cheikh Tidiane Gadio, par ailleurs vice-président de l’Assemblée nationale.

Poursuivant, il soulignait : «Il a été toujours un modèle et une référence pour moi. Il fait partie de ceux qui m’ont influencé pour m’orienter vers la presse et la communication».De l’avis de Cheikh Tidiane Gadio, l’ancien secrétaire général du Synpics a beaucoup contribué, par sa voix à la radio, par la beauté de ses textes et surtout par ses positions de principes, au combat pour la liberté et la démocratie. S’adressant aux récipiendaires de la quinzième promotion du programme Leadership politique, l’ancien chef de la diplomatie sénégalaise affichait son admiration : «Votre promotion a de la chance de porter le nom de cet illustre fils du pays. Les Sénégalais aiment rendre hommage à une personne quand elle n’est plus là».

Abondant dans le même sens, l’ancien député et membre de la coalition Aar Sénégal, Cheikhou Omar Sy, assimilait Mame Less Camara à une icône, un monument de la presse sénégalaise qui en a construitles fondements. «Qu’on le prenne comme parrain pour ces jeunes, c’est un excellent choix. L’histoire du Sénégal s’est écrite sous Abdou Diouf et Abdoulaye Wade sous la plume de Mame Less Camara», affirmait Sy.

Le philosophe et écrivain Alpha Amadou Sy ne disait pas autre chose lorsqu’il décrit Mame Less Camara comme un homme intègre et un journaliste intégral. «Bien des organes de presse ont eu à solliciter son savoir et son savoir-faire de la Rts à la Tfm en passant par Wal fadjri , Bbc, Envie FM. Il est journaliste, enseignant-formateur, chantre de l’éthique et de la déontologie. Conducteur d’hommes, courageux dans ses initiatives, orfèvre aussi bien de la voix que de la plume, Mame Less Camara est réputé être un journaliste au sens éthique élevé. Malgré les aléas de la vie et son immense lot de privations, malgré les tentatives multiformes des uns et des autres de le capturer, l’homme est resté égal à lui-même », affirme l’écrivain et ami du journaliste.

MAME LESS CAMARA : «IL Y A EU TOUJOURS DES JOURNALISTES PLUS FAVORABLES AU POUVOIR QU’À L’OPPOSITION OU L’INVERSE»

Pris par le poids de l’âge et dela maladie (son diabète), Mame Less Camara restait néanmoins un journaliste alerte. Ainsi, analysant les mutations constatées dans les médias et les multiples critiques faites contre la presse, il notait : «Cette critique a toujours existé. Maintenant ce qui est nouveau, c’est que ce sont les journalistes eux-mêmes qui répètent les préjugés sur eux». Mais, d’après lui, «il y a eu des journalistes plus favorables au pouvoir qu’à l’opposition ou l’inverse. Et cela nous a tous attiré des quolibets et des injures».

MAME LESS CAMARA SUR LES TENSIONS A L’APPROCHE DES LEGISLATIVES : «Moi qui suis les élections depuis 40 ans, je vois que la folie est plus grande»

C’est une lapalissade que dire que le Sénégal s’achemine vers des élections législatives âprement disputées, sur fond de tensions. Et le pays retient son souffle. Des inquiétudes justifiées, selon l’analyste politique Mame Less Camara. Parrain de la quinzième promotion du Programme Leadership Politique de la fondation Friedrich Ebert, le journaliste lâchait : «Nous allons vers une situation en grande partie inconnue. Moi qui, depuis une quarantaine d’années, suis régulièrement les élections, je vois que la folie est plus grande cette fois-ci. La démesure est plus grande». Et sa crainte est que les hommes politiques soient en charge d’une situation qu’ils n’ont pas les moyens de supporter ni intellectuellement, ni politiquement. «Il faut arrêter la cadence et se parler, parce que ce qui doit être au centre de nos préoccupations c’est le bon vieux Sénégal. Nous sommes tous issus d’un pays où la sagesse recommande de retourner d’où l’on vient si l’on se sait d’où l’on va», affirme-t-il. Sans prôner ouvertement le report des élections législatives, l’ancien président du Cored estime qu’il faut tout arrêter et reprendre un peu de souffle. «Si dans la poussière et le délire, on s’en va vers les urnes en s’insultant et en se donnant des coups, on n’ira pas jusqu’à ce que les urnes doivent produire, c’est-à-dire de la légitimité populaire», soulignait Mame Less Camara.

Né avant les indépendances dans la vieille ville de Rufisque, au quartier Keury Kao, en 1956 donc, ce Sagittaire du 26 janvier, était l’enfant d’un père cheminot et d’une mère au foyer. Teint noir. Homme trapu jadis fort physiquement. Mame Less Camara n’avait rien à envier à l’ancien lutteur encore détenteur du drapeau « arène sénégalaise » « Boy Bambara ». Normal, puisqu’ils sont de la même ethnie, celle des Bambara, originaire du Mali.

La seule évocation de son nom est un quitus qui force le respect et peut ouvrir bien des portes. Respectueux et respecté par tous, Mame Less Camara est un homme de foi et de conviction. Comme bon nombres de jeunes journalistes au Sénégal, il a fait ses débuts à la radiodiffusion Télévision du Sénégal (RTS).

Après des études en philosophie à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar où il obtient une maitrise, Mame Less entame une carrière en journalisme. Il fut admis au centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI) dans les années quatre-vingt. Il est de la sixième promotion.

Mame Less est de cette génération d’étudiants « cestien » ayant perfectionné leur formation au Canada avant de revenir exercer à l’ancien « ORTS ». Affecté à St Louis du Sénégal, il y fréquentait des hommes de radio à l’image d’Alioune Badara Diagne dit « Golbert »

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Dans la capitale du Nord, le jeune journaliste d’alors n’y vivait pas que pour la radio. Il y rencontre celle qui partagera sa vie et lui donnera au bout d’une trentaine d’années de vie commune des bouts de bois de Dieu. De ses fils biologiques, il faut y ajouter ceux qu’il adoptera dans le milieu de la presse. Ceux-là qui sont nombreux à l’appeler affectueusement « père Less ».

« Face-à-face », Walf, Abdou Sow…

Il est presque impossible de faire une rédaction de Dakar sans y rencontrer un journaliste en mesure de te raconter une anecdote ou un conseil que ce directeur lui a prodigué durant son parcours. Dieu sait qu’ils sont nombreux.
Après quelques années passées à la rédaction de Radio Sénégal où il s’est illustré par son talent et le succès de son émission d’alors «FACE A FACE » qui était une tribune pour les hommes politiques pendant que la télé semblait peu disposée à les recevoir, Mame Less Camara prend les rênes de la toute nouvelle radio privée Walfadjri. Il y fit un casting qui frise la témérité du fait de la jeunesse de ces recrues. Mais le temps finit par lui donner raison. Encore.

La belle voix de Mame Less Camara à travers la radio cachait mal la belle plume de celui qui signait des chroniques sous le pseudonyme d’Abdou Sow. Il accompagna les réflexions de jeunes panafricanistes fidèles disciples de Cheikh Anta Diop. Il dévorera avec les Marxistes les milliers de ligne des théories de Karl Marx.

Si l’homme a très tôt eu un penchant pour la politique, il n’a jamais pourtant penché pour un bord du moins cela ne s’est jamais ressenti dans ses écrits. Ses manuels et ses productions intellectuelles très prisés par les jeunes journalistes qui en font à la fois des bréviaires et des viatiques.

Fin analyste politique, Mame Less n’en fut pas moins un enseignant à ses heures perdues. Il dispense encore des cours au CESTI et y côtoie de bons éléments qui dirigent les rédactions de Dakar. Mame Less, bien que loin des rédactions de Dakar, est resté pendant longtemps le correspondant de la radio BBC à Dakar.

Il a fini sa carrière de retraité occupé à GFM.

La levée de corps aura lieu demain dimanche 30 avril à 10h à l’hôpital Principal, suivi de l’enterrement au cimetière musulman de Yoff.

Par Damel Mor Macoumba Seck

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